Chronique du meilleur des mondes souterrains...

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(mais pas grave !)

Chronique du meilleur des mondes souterrains...

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par Karine Mazel
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Alors, dans le métro parisien, on en est là : condamnés à regarder le bout de nos pieds, tout en ayant à l’œil nos voisins de trajet. 
C’est devenu ça les transports en commun : une zone à risque, un danger, il faut se replier et surveiller. « attentifs ensemble, veuillez nous signaler tout paquet abandonné ou toute personne présentant un comportement suspect », « si vous êtes témoin d’un harcèlement sexuel veuillez composer le 3117 » Et une fois qu’on a envoyé le sms on retient son souffle jusqu’à l’arrivée des forces de police ?

Moi, ces annonces dans le métro me donnent envie de gueuler.
 Qui vive général, vigilance, suspicion, délation, attention : l’autre, celui qui est là devant vous, que vous voyez tous les jours, ou que vous croisez pour la première fois, est peut-être un mâle mangeur de femelles ou un dangereux terroriste, mains et valises baladeuses s’abstenir ! 
« Pardon, excusez moi j’étais dans mes pensées, j’ai oublié ma valise sur le quai ». 
Menotté, plaqué au sol, arrêté. Circulez les dangereux étourdis, les rêveurs, les têtes en l’air ! Abandonner ses restes de pique-nique est devenu criminel, oublier un sac sème la panique.
 Combien de sandwichs à la dinde déminés, combien de caleçons pulvérisés ?
 La sécurité nationale confiée à la vigilance des citoyens « attentifs ensemble ». 
J’aimerais bien savoir combien d’actes terroristes ont effectivement été empêchés grâce à ce dispositif. Parce que cette omniprésence d’appels à la vigilance a un coût humain réel.

On explose le taux de stress et d’anxiété autorisé par l’OMS. On est observé, on observe, la boucle est bouclée.
« vigi 360 : vous êtes dans un espace vidéo protégé ».
Mais de qui ou de quoi exactement sommes-nous soi-disant protégés par cet œil de Moscou ? Ça protège de quoi, une caméra ?
Ha, mais oui bien sûr, ça fait diminuer le nombre d’agression parce qu’on a peur d’être filmé, ch’suis bête !

Remarque, bientôt y’aura même plus besoin de caméras, les gens feront le boulot avec leur téléphone. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut s’enfermer dans l’indifférence de son prochain, et continuer sa partie de Tinder ou d’Angrybird quoi qu’il arrive. Mais nous marchons sans y penser sur le fil entre la bienveillance et la surveillance, et je vois bien vers quoi le gouvernement cherche à faire pencher « la balance ».

« Mais non madame je n’ai pas fait exprès d’atterrir la tête la première dans votre décolleté, le train a freiné brusquement et je suis tombé ».

Activation du plan anti-harcèlement : avec le sentiment du devoir accompli on envoie un sms au 3117 pour dénoncer, heu non pardon, protéger les pauvres femmes sans défenses. 
Tout le monde a vu, tout a été filmé, enregistré, c’est déjà sur le net, pas la peine de mentir les images sont accablantes. La parole ne fait pas le poids face aux images, la diffusion facebook relayée par la nettélé en guise de procès.

L’homme-prédateur v/s la femme-proie, voilà ce que nous racontent les invraisemblables affiches placardées dans le métro. « Balance ton porc, ton ours, ou ton requin », les relations hommes/femmes sont devenues des affaires d’État, des os médiatiques à ronger. Il faut légiférer et sanctionner pour protéger, et diviser pour mieux régner. Ce qui relevait de la vie privée est maintenant sous contrôle étaticomediatique. Le gouvernement se mêle de normer et de normaliser les relations hommes/femmes au lieu d’éduquer à l’altérité. Mais tout ça c’est pour notre bien à tous et à toutes n’est-ce pas ?

Bref on nous prend pour ce que nous sommes devenus en quelques décennies de capitalisme outrancier, de marketing politicien et d’envahissement technologique : des consommateurs, des salariés, des touristes, des citoyens, des retraités, O-BÉ-I-SSANT.

Bon, je retourne « kakoter » sur ma plage de rêve thaïlandaise avant de me faire lyncher, moi non plus je n’en suis pas à une contradiction près.

Karine Mazel

https://journals.openedition.org/lectures/11051



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